Le comportement
Entretien avec Michèle Lamont Nicolas DUVOUX, Elise TENRET, Nadège VEZINAT Dans cet entretien, Michèle Lamont évoque différentes facettes de son travail intellectuel, sa relation avec la France et ses sociologues, et sa vie d’universitaire aux États-Unis. Elle y revient sur la sociologie culturelle qu’elle pratique et sur sa volonté double de comprendre comment les individus donnent du sens à leur vie et de donner du sens à la sociologie.
Entretien réalisé avec l’aide de Bruno Cousin. La version écrite est la transcription de la conversation orale. Elle ne constitue pas un texte indépendant même si certaines précisions ont pu être apportées par rapport à l’entretien vidéo. Formation et structures profondes d’une pensée sociologique La Vie des Idées : Est-ce que vous pourriez définir la sociologie culturelle, ce courant dans lequel vous inscrivez vos travaux ? Michele Lamont : Je répondrai par le biais d’une analyse rapide des développements disciplinaires dans la sociologie américaine des trente dernières années. Au début des années 1980, la sociologie de la culture y était un petit domaine de recherche très marginal, étudiant les industries culturelles, la production et la réception culturelle. L’interactionnisme symbolique avait perdu beaucoup d’influence pour un ensemble de raisons et ceux qui y étaient rattachés étaient dans des départements relativement périphériques et peu prestigieux. On sortait aussi des années 1970 où une sociologie mainstream très structurale s’était fortement affirmée (ce qui se manifestait par exemple par une hégémonie des travaux quantitatifs de la Wisconsin School sur la mobilité). La polarisation entre l’analyse des
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structures sociales et des phénomènes culturels, ainsi qu’entre le micro et le macro, était à son maximum. Au début de cette décennie, on assiste à l’émergence d’un mouvement qui correspond d’ailleurs à l’entrée plus massive des travaux de Bourdieu aux