Le personnage de roman, du xviie siècle à nos jours
Introduction Le genre romanesque se fonde souvent sur un intéressant paradoxe : il se nourrit essentiellement du réel, mais, par le biais de l'écriture, il tire sa force et sa richesse de la fiction, qui lui autorise toutes les audaces. Ce potentiel illimité d'exploration, mais aussi de contestation du monde réel, Romain Gary affirme qu'il est à l'origine de sa vocation d'écrivain : pour lui, la création littéraire est « une feinte pour tenter d'échapper à l'intolérable ». Ce rôle qu'assigne l'écrivain à la littérature est-il applicable au genre romanesque en particulier ? Peut-on dire que le roman cherche toujours, par la « ruse » de l'écriture, et dans sa capacité à nier le réel, à fuir la réalité dans ce qu'elle a d'insupportable, de critiquable ? Nous montrerons d'abord que certains genres romanesques cherchent, en effet, à contester la réalité en la déformant. Nous verrons ensuite que, cependant, la fiction romanesque peut également, par la « feinte », s'emparer de l'intolérable. Enfin, nous nous demanderons si, dans sa dimension artistique, le roman n'a pas la capacité à dépasser l'intolérable.
I. Le roman peut être un moyen d'échapper aux difficultés de la vie réelle
1. Il peut nous projeter dans un ailleurs
La lecture de romans est souvent, en soi, une forme de voyage, qui nous permet de nous évader de la réalité du monde. Ce motif du voyage structure nombre de récits de fiction. Par le biais de l'écriture, le romancier peut ainsi nous projeter dans un ailleurs géographique et temporel. Le roman d'aventures, à cet égard, illustre bien cette capacité de la fiction à faire perdre au lecteur le contact avec la réalité du monde. Beaucoup d'écrivains reconnaissent d'ailleurs que leur vocation littéraire est née de cette découverte des