Le rôle de l'industrialisation dans la formation du monde ouvrier en france (1880-1980)
Par Gérard NOIRIEL (EHESS, Paris)
Conférence SHMC
Samedi 8 novembre 1997
Sommaire
1. Introduction
2. L'hétérogénéité du monde ouvrier jusque dans les années 1880
3. Le processus d'ouvriérisation entre 1880 et 1930 et les nouveaux clivages du monde du travail
4. L'unification communiste
1. Introduction
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais rappeler à partir de quelles préoccupations j'ai entrepris mes travaux sur l'histoire du monde ouvrier français. Toute recherche, en effet, est conditionnée par le point de vue et les hypothèses adoptés au départ. Un historien qui privilégie l'analyse microhistorique en examinant les relations que les ouvriers ont nouées entre eux au niveau de leur atelier ou de leur quartier ne produira pas le même type de connaissances que celui qui inscrit sa recherche dans la "longue durée" et dans un cadre national. Les deux types d'approches sont parfaitement légitimes, mais il convient de les distinguer pour éviter d'alimenter des polémiques sans intérêt sur les mérites respectifs des approches "micro" et "macro". C'est pourquoi j'ai tenu, dans l'introduction de cet exposé, à évoquer rapidement la problématique qui a toujours sous-tendu mes recherches sur l'histoire ouvrière française. Le point de départ était tributaire du contexte à la fois intellectuel et politique de la fin des années 1970. Au niveau des questionnements, comme au niveau des méthodes, l'histoire ouvrière était alors dominée par les élèves d'Ernest Labrousse (directs ou indirects), comme Yves Lequin, Michelle Perrot, Madeleine Rebérioux, Rolande Trempé...L'objectif était d'appréhender l'histoire ouvrière comme un "fait social total" en combinant des approches quantitatives (fondées sur l'exploitation des statistiques fournies par les recensements, les registres du personnel...) et qualitatives (histoires de vie...); l'histoire des techniques et