Pour penser par soi-même, il faut d’abord disposer d’une entière liberté d’examiner, de questionner, de critiquer, de mettre en doute : plus aucun dogme ni aucune institution n’est sacré. La tutelle sous laquelle vivaient les hommes avant les Lumières était, en tout premier lieu, de nature religieuse ; c’est aux institutions religieuses que vont s’adresser les critiques les plus nombreuses, visant à rendre possible la prise en main par l’humanité de son propre destin. Ce n’est plus l’autorité du passé qui doit orienter la vie des hommes, mais leur projet d’avenir. La critique porte sur la structure de la société, non sur le contenu des croyances : on attaque l’Église, non la foi. Les critiques n'épargnent pas certains représentants de l’église chrétienne, que ce soient les jansénistes ou les jésuites, les anglicans ou les protestants.Le grand courant des Lumières se réclame, non de l’athéisme, mais de la religion naturelle, du déisme, ou d’une de leurs nombreuses variantes. Les hommes des Lumières observent et décrivent toutes les croyances : des religions proches, comme le judaïsme et l’islam, ou des religions plus lointaines, celles de l’Inde et de la Chine, mais celles aussi des païens en Océanie, en Afrique noire ou en Amérique. Non seulement les peuples ne prient pas les mêmes dieux, mais certains, selon les récits des explorateurs tel Bougainville, vivent libres et heureux sans lois ni Église : seule une morale naturelle organise leurs sociétés. Ce recensement universel n’a pas pour but de récuser les religions, mais de conduire à une attitude de tolérance et à une défense de la liberté de conscience qu’illustrent Lessing ou Voltaire, notamment au moment de l’affaire Calas.

Ayant mis en doute le savoir traditionnel, les hommes voudront avancer dans la voie de la connaissance à l’aide de la raison et de l'expérience. Il n'y a plus de place pour la magie ni pour la révélation. À la certitude de la Lumière divine se substitue la