Hugo-poète emprunte souvent ses effets à Hugo-dramaturge. C'est la cas dans ces vers où, explicitement, le tyran interpelle des complices. On peut y voir aussi un sorte de monologue intérieur que le lecteur entendrait grâce à un artifice comparable à ceux utilisés au théâtre. Un tel discours n'a, bien sûr, jamais été prononcé mais le procédé est saisissant. Nous voici à l'écoute d'une pensée brute et non d'un discours politique élaboré, dès lors au fondement même d'actes réels comme si Hugo voulait saisir à la racine les caractères psychologiques de son ennemi. Dans la violence des mots doit éclater la noirceur des pensées.Après la cruauté, éclatent la bassesse et le mépris. Sans respect pour la vie humaine, Louis-Napoléon méprise en outre le droit et la liberté d'opinion. L'inversion du complément de but au vers 4 exprime avec éloquence cette alliance de cruauté et de tyrannie qui caractérise, pour Hugo, le régime. La brutalité des ordres est présente jusque dans la ponctuation de ce vers aussi riche qu'étonnant : les deux points disent mieux qu'une conjonction l'opposition entre la tyrannie et la liberté de parole. Hugo recourt à une figure de style nommée abruption : il supprime les liens de coordination ou de subordination entre les groupes qui émousseraient la violence des mots.Donnant la parole à un criminel, usant d'un procédé tout proche de l'ironie, Hugo court le risque d'être mal compris, de délivrer un parole ambiguë, voire obscure. Il s'emploie donc parfois à doubler le premier discours d'un autre qui en serait la critique immédiate et éloquente.
Ainsi l'attaque de nombreux vers est-elle consacrée à la désignation des faits tandis que la suite en forme le commentaire :
Du vin plein les bidons ! des morts plein les civières ! (vers 12)a lutte est bien celle du parti du " mépris " contre celui du droit, de l'honneur et de la loi, trois termes qui font du vers 10 un autre raccourci de tout le livre. Il y a dans cette opposition entre l'énoncé brut des