Les délires paranoïaques
Historiquement, l’utilisation du terme paranoïa a suivi une évolution qui a conduit vers la fin du XIXème siècle, à l’acception clinique et psychopathologique que l’on attribue encore de nos jours à ce terme. Cette évolution a surtout été observée dans la psychiatrie allemande, française, italienne et anglo-saxonne. C’est notamment la psychiatrie allemande qui a contribué aux grandes évolutions du terme. En effet, il semble que l’allemand ait été le premier à faire entrer ce terme dans le langage médical, avec Heinroth au début du XIXème siècle qui lui attribua le sens général de « folie ». C’est en 1879 que Krafft-Ebing va chercher à le spécifier, en le restreignant à une acception qui concerne les activités de jugement et de raisonnement. À son tour, Mendel va opposer la paranoia hallucinatoria à la paranoia combinatoria, cette dernière désignant un ensemble de délires chroniques systématisés, privés d’hallucinations et d’évolution démentielle. Cette opposition marque une étape importante, puisqu’elle met l’accent sur les traits qui vont différencier la paranoïa : l’absence d’hallucinations, l’évolution hors de la démence et la conservation des facultés intellectuelles. Une définition précise du terme va être proposée par Emil Kraepelin à la fin du XIXème siècle : c’est le « développement lent et insidieux d’un système délirant et impossible à ébranler, par la conservation absolue de la clarté et de l’ordre de la pensée, du vouloir, et de l’action ». C’est de cette façon que la psychiatrie allemande a particulièrement contribué à l’évolution du terme paranoia, en aboutissant à une acception précise dont va servir ensuite toute la tradition psychiatrique : « délire ou organisation de la personnalité, mais marqué toujours par le primat de l’intégrité intellectuelle, de l’enchaînement déductif et de la rigueur » . Enfin, la pensée germanique s’est intéressée à la paranoïa à travers l’étude de Freud publiée en 1911 sur le cas du