Les dōwa de taishō et d’avant-guerre : l’invention de l’enfant
L’époque Taishō a vu fleurir le genre littéraire du 童話 Dōwa, ou conte pour enfant, qui a entraîné l’apparition de nombre de magazines dédiés à ce nouveau genre, à l’image de 「赤い鳥」, Akai tori, l’oiseau rouge. Il fallait s’adresser à un nouveau public jeune désigné sous le nom de 少年, shōnen : nouveau public dont le profil, la nature, la perception du monde et les besoins demandaient à être définis. La période Taishō est la période de l’invention de l’enfance : les deux mouvements littéraires dominants dans le domaine de la jeunesse, la 童心文学 (dōshin bungaku, littérature du coeur de l’enfant) et la プロレタリア児童文学 (puroretaria jidō bungaku, littérature prolétaire de jeunesse) ont toutes deux élaboré leurs propres théories, très idéologiques, de la nature véritable de l’enfant. Deux mouvements qui seront de toutes facons balayés dans la seconde moitié des années 30 par l’arrivée de la censure et de l’obligation d’écrire des contes patriotiques pour la jeunesse.
L’Ere Meiji : les otogibanashi de Sazanami
Il convient de se demander pourquoi la véritable expansion du genre de la littérature pour enfants n’a pu intervenir qu’à l’ère Taishō, à partir des années 1910 jusque dans les années 30 : y avait-il des signes d’un développement avant-coureur, des formes primitives de ce qui deviendra la littérature de jeunesse pendant l’ère Meiji (1868-1912) ?
Le premier ouvrage de fiction imprimé et spécialement destine à un jeune lecteur est 『小金まる』, Koganemaru, en 1891, une histoire de vengeance (仇討, adauchi) mettant en scène des animaux, dans le style de 馬琴 Bakin (1767-1848). Il a été écrit par 巌谷小波 Iwaya Sazanami (1869-1933), qui fut le rédacteur en chef de「少年世界」Shōnen sekai, une revue pour la jeunesse à petit tirage. Dès le début, il a conscience d’inventer un nouveau style littéraire, qu’il nomme 少年用文学 (shōnen’yō bungaku, littérature à destination de la jeunesse), dont l’expression littéraire est le お伽噺