Les lumieres tamisées du constructivisme
LES LUMIÈRES TAMISÉES DES CONSTRUCTIVISMES L’humanité, la raison et le progrès comme transcendances relatives
par Philippe Corcuff
Mais où sont passées les lumières Qui nous guidaient? Le lion secoue sa crinière à chaque coup de fouet Derrière les barreaux de fer sans illusion Derrière les barreaux de fer de sa prison. » Gérard MANSET, Lumières, 1985.
On a qualifié par le vocable commun de « constructivisme » toute une galaxie de travaux qui s’efforcent de dépasser des couples d’opposition traditionnels en sciences sociales comme idéel/matériel, subjectif/objectif ou individuel/collectif en recourant de manière plus ou moins marquée au schéma analogique de « la construction sociale ». Cet essai de classification est d’ailleurs parfois mal accepté par certains des auteurs concernés, notamment quand ils discernent dans le qualificatif de « constructiviste » un défaut de réalisme lié aux ambiguïtés de certains usages subjectivistes et/ou idéalistes du terme. Nous avons opté, pour notre part, pour une acception clairement réaliste de la notion [Corcuff, 1995]. Par ailleurs, ceux qui confondent analogie et identité ont pu croire à un paradigme unifié, alors qu’on a plutôt affaire à un espace pluriel de questionnement et d’investigation, marqué par de notables différences et autorisant au mieux à parler de constructivismes. Le schéma de « la construction sociale » est de temps en temps lié à la thématique d’inspiration derridienne de « la déconstruction », elle-même considérée outre-Atlantique comme une des caractéristiques du « post-modernisme ». Si l’on associe l’accent mis sur la dimension « construite » cognitivement et historiquement des faits sociaux, les champs ouverts à l’analyse de la pluralité (des espaces sociaux, des logiques d’action, des systèmes de valeurs ou même de la pluralité interne aux individus) et les accrochages trop rapides entre « construction sociale »