Les propriétés aspectuelles du passif
Université de Valenciennes
1. Le problème Il est généralement admis, dans l’état actuel de la recherche, que le passif périphrastique, formé par « être + participe passé », ne peut pas être considéré comme étant en relation de paraphrase avec l’actif. Dans la présente étude, nous soumettrons à l’analyse un des arguments invoqués à l’appui de cette hypothèse : le passage de l’actif au passif peut aller de pair avec l’un des deux changements interprétatifs suivants. 1. Dans la mesure où la phrase active évoque un procès comme étant en cours, la phrase passive correspondante tend à marquer l’état résultant de ce procès et ressortit ainsi à la valeur aspectuelle d’accompli. Cette valeur aspectuelle liée au passif, déjà relevée par L. Meigret (1550 : chap. XXV) 1, est illustrée par l’exemple (1b) :
(1) a. On sert le vin. b. Le vin est servi.
la lecture accomplie s’y présente comme la plus saillante, sans que la lecture non accomplie ne soit toutefois exclue. 2. Si la phrase active présente une double lecture, itérative et non itérative, la phrase passive correspondante tend à privilégier la lecture itérative (Blanche-Benveniste & Van den Eynde 1978 ; Blanche-Benveniste 1984).
(2) a. Le sommelier sert le vin. b. Le vin est servi par le sommelier.
Ces deux phénomènes interprétatifs déclenchés par le passage de l’actif au passif se présentent exclusivement avec des verbes qui marquent, du point
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Je remercie chaleureusement Laurent Gosselin et Karel Van den Eynde, qui m’ont fait bénéficier de leurs remarques judicieuses. Merci aussi à Anne Buchard dont les suggestions m’ont amenée à nuancer certaines de mes hypothèses. Au moment de mettre la dernière main à la rédaction de cet article, j’ai pris connaissance d’un recueil récemment publié sur le passif, édité par L. Schøsler. Il ne m’a plus été possible de le prendre en considération dans la présente étude. Parmi les études plus récentes, voir e.a.