Lettre modèrèe
Le Barbier de Séville ou La Précaution inutile
Œuvres complètes
Texte établi par Édouard Fournier, Laplace, 1876.
LE BARBIER DE SÉVILLE
OU
LA PRÉCAUTION INUTILE
COMÉDIE EN QUATRE ACTES
REPRÉSENTÉE ET TOMBÉE SUR LE THÉÂTRE DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE, AUX TUILERIES, LE 23 FÉVRIER 1775
… Et j’étais père ! et je ne pus mourir.
(Zaïre, acte II.)
LETTRE MODÉRÉE
SUR
LA CHUTE ET LA CRITIQUE DU BARBIER DE SÉVILLE
(L’auteur, vêtu modestement et courbé, présentant sa pièce au lecteur.)
Monsieur,
J’ai l’honneur de vous offrir un nouvel opuscule de ma façon. Je souhaite vous rencontrer dans un de ces moments heureux où, dégagé de soins, content de votre santé, de vos affaires, de votre maîtresse, de votre dîner, de votre estomac, vous puissiez vous plaire un moment à la lecture de mon Barbier de Séville : car il faut tout cela pour être homme amusable et lecteur indulgent.
[...]
Au lieu de rester dans ma simplicité comique, si j’avais voulu compliquer, étendre et tourmenter mon plan à la manière tragique ou dramatique, imagine-t-on que j’aurais manqué de moyens dans une aventure dont je n’ai mis en scènes que la partie la moins merveilleuse ?
En effet, personne aujourd’hui n’ignore qu’à l’époque historique où la pièce finit gaiement dans mes mains, la querelle commença sérieusement à s’échauffer, comme qui dirait derrière la toile, entre le docteur et Figaro, sur les cent écus. Des injures on en vint aux coups. Le docteur, étrillé par Figaro, fit tomber en se débattant le rescille ou filet qui coiffait le barbier, et l’on vit, non sans surprise, une forme de spatule imprimée à chaud sur sa tête rasée. Suivez-moi, monsieur, je vous prie.
À cet aspect, moulu de coups qu’il est, le médecin s’écrie avec transport : Mon fils ! ô ciel, mon fils ! mon cher fils !… Mais avant que Figaro l’entende, il a redoublé de horions sur son cher père. En effet, ce l’était.
Ce Figaro, qui pour toute famille avait jadis connu sa mère, est fils naturel de