Limites de la science
Dans toute cette volonté d’accumulation de connaissances relatives, la dimension métaphysique —la seule qui nous sorte du circulus viciosus phénoménal et de l’absurde — se trouve écartée de parti pris; c’est comme si l’on dotait un homme de toutes les facultés possibles de perception tout en lui enlevant l’intelligence, ou encore : c’est comme si l’on croyait un animal doué de la vue, plus capable qu’un homme aveugle de comprendre les mystères du monde. La science de notre temps sait mesurer des galaxies et fendre des atomes, mais elle est incapable de la moindre investigation au-delà du monde sensible, si bien que, en dehors des limites qu’elle s’impose sans d’ailleurs les reconnaître, elle est plus ignorante que la magie la plus rudimentaire ; on objectera sans doute que la psychologie moderne, elle, n’est pas une science rivée à la matière, mais c’est là ne pas se rendre compte de son caractère simplement empirique: c’est un système d’observations et d’hypothèses, compromises d’avance par le fait qu’on ignore la nature profonde des phénomènes qu’on étudie. Une science, afin de mériter ce nom, nous doit l’explication d’un certain ordre de phénomènes; or la science moderne, qui prétend à la totalité puisqu’elle ne reconnaît rien en dehors d’elle-même, ne sait nous expliquer, ni ce qu’est un livre sacré, ni ce qu’est un saint, ni ce qu’est un miracle; elle ne sait rien de Dieu ni de l’au-delà ni de l’intellect, et elle ne sait même rien nous dire sur des phénomènes tels que la prémonition ou la télépathie; elle ignore en vertu de quel principe ou de quelle possibilité des procédés chamaniques peuvent guérir des maladies ou attirer la pluie (2). Tous ses essais d’explications sont viciés à la base par une erreur d’imagination: on voit tout en fonction, premièrement de la « matière » empirique — même quand on l’appelle autrement — et deuxièmement de l’hypothèse évolutionniste, au lieu de concevoir avant tout