littérature
Charlotte LACOSTE
Université Paris 10
SOMMAIRE
1. « Frontières du récit » : à la recherche du « récit à l’état pur »
1.1. Aristote contre Platon
1.2. Le récit comme restitution inexacte
1.3. L’héritage benvenistien : opposition récit/discours
2. Fiction et diction : le statut ontologique de l’événement
2.1. Séparation histoire/récit
2.2. Noyaux de cerises et événementialité
3. Les impasses du réalisme genettien
3.1. Le récit de fiction comme réduplication d’une réalité antécédente
3.2. Copie vs récit : vérité vs approximation
Gérard Genette s’attache, dans un chapitre fameux de Figures II, à reconnaître les « frontières du récit » (1969 : 49-69) ; il en explore scrupuleusement les contours et termine son enquête sur un constat surprenant :
« Peut-être le récit, dans la singularité négative que l’on vient de lui reconnaître, est-il déjà pour nous […], une chose du passé, qu’il faut nous hâter de considérer dans son retrait, avant qu’elle n’ait complètement déserté notre horizon. » (1969 : 69)
Quels sont les arguments présidant à cette funeste prédiction ? Le récit peut-il sombrer sans entraîner la littérature dans sa chute ? Non, à moins de considérer la littérature comme un discours dont on souhaiterait idéalement s’affranchir, et les récits, comme les joyaux qui la sertissent. Mais c’est là considérer le narrateur comme un médiateur gênant.
En effet, un tel acte de décès ne peut être établi, nous semble-t-il, que si l’on restreint drastiquement la notion de récit jusqu’à lui faire perdre sa consistance. C’est ce que fait le narratologue lorsque, soucieux de circonscrire son objet dans toute sa « singularité négative », il finit par confondre le récit, objet de sa réflexion, avec le « récit à l’état pur » (Genette 1969 : 63), outil méthodologique se révélant en définitive moins commode que fauteur de troubles, et qui désigne le moment benvenistien où le narrateur disparaît et où « les