À tout prendre, les méthodes scientifiques sont un aboutissement de la recherche au moins aussi important que n’importe quel autre de ses résultats ; car c’est sur l’intelligence de la méthode que repose l’esprit scientifique, et tous les résultats de la science ne pourraient empêcher, si lesdites méthodes venaient à se perdre, une recrudescence de la superstition et de l’absurdité reprenant le dessus. Des gens intelligents peuvent bien apprendre tout ce qu’ils veulent des résultats de la science, on n’en remarque pas moins à leur conversation, et notamment aux hypothèses qui y paraissent, que l’esprit scientifique leur fait toujours défaut : ils n’ont pas cette méfiance instinctive pour les aberrations de la pensée qui a pris racine dans l’âme de tout homme de science à la suite d’un long exercice. Il leur suffit de trouver une hypothèse quelconque sur une matière donnée, et les voilà tout feu tout flamme pour elle, s’imaginant qu’ainsi tout est dit. Avoir une opinion, c’est bel et bien pour eux s’en faire les fanatiques et la prendre dorénavant à cœur en guise de conviction. Y a-t-il une chose inexpliquée, ils s’échauffent pour la première fantaisie qui leur passe par la tête et ressemble à une explication; il en résulte continuellement, surtout dans le domaine de la politique, les pires conséquences.
On accorde à la science une grande valeur parce qu’elle nous permet de découvrir des vérités à tel point que l’expression « c’est scientifiquement prouvé » est un argument d’autorité aussi imposant qu’a été, longtemps, et qu’est encore pour certains, la référence à la Bible en Europe. Mais il suffit d’une remise en cause d’une des prétendues vérités scientifiques pour qu’au contraire on dévalorise totalement la science. On opposait ainsi au XIV° siècle les arguments en pour et en contre le mouvement de la Terre pour en conclure qu’elle est immobile puisque la foi le montre. Bref, quelle est la valeur des sciences ?
Tel est le problème que résout Nietzsche dans