Elevée au couvent des Ursulines pour devenir une dame de bonne société, abreuvée d’œuvres romantiques chargées de lyrisme, elle est pourtant issue d’un monde rural assez frustre. Elle fera tout pour échapper à ce monde, épousera un officier de santé qui s’avérera médiocre, se réfugiera dans l’adultère, les dépenses, sans jamais trouver le bonheur. Elle souffre de ce que l’on appellera le bovarysme, cette maladie psychologique née de l’écart trop grand entre les rêves d’une personne et la réalité. D’ailleurs, un autre personnage, l’aveugle, exprime toute l’horreur de la vie de la jeune femme. En effet le chant du vagabond raconte toute l’histoire d’Emma : « Souvent la chaleur d’un beau jour : fait rêver fillette à l’amour… ». La suite de la chanson, apparaissant à la mort de l’héroïne, exprime l’échec de cette dernière, morte car ses rêves étaient irréalisables, morte parce qu’elle avait succombé à l’illusion romantique : « Il souffla bien fort ce jour là ! et le jupon court s’envola ». Le luxe du monde aristocratique suscite nécessairement chez Emma l’envie mais fait aussi bouillir en elle un sentiment d’injustice .
Au bal de la Vaubyessard, cérémonie sociale de haut vol, Emmas’initie avec éblouissement au grand monde pour la première fois, finissant par le considérer le sien, tout loin qu’il soit de ses origines paysannes. Pour la première fois elle peut concrètement secomparer aux autres dames : « celles qui vivaient toutes heureuses » et se dit « qu’elle en valait bien une autre », ce qui pose évidemment la question du mérite. Ce qui résulte de cette comparaisonest une prise de conscience assez aiguë de l’injustice et du mérite.
Ce qui était une « injustice du sort » devient même une « injustice du ciel » et au nom de la justice, Emma qui en fait envieuse,se met à réclamer une répartition plus juste des richesses.
Ainsi la révolte contre « l’injustice de Dieu » sert plutôt à l’assouvissement d’une envie égoïste.