Manon lescaut, la fonction morale
MANON LESCAUT Florence Chapiro
Armand Colin | « Littératures classiques »
2007/1 N° 62 | pages 123 à 134 ISSN 0992-5279
ISBN 9782908728514
DOI 10.3917/licla.062.0123
Article disponible en ligne à l'adresse :
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Prévost construit sa fiction dans une atmosphère pathétique qui va de la compassion à l’acmé que constitueraient les larmes, tout comme on peut imaginer qu’il existe une atmosphère comique sans le rire, ou plutôt dont le rire serait le paroxysme. Cette prégnance sensible invite à lire le roman comme une illustration des méandres de la sensibilité et non comme une éviction du sensible, et partant des larmes, dans le chemin de la vertu. Pour preuve évidente, on prendra le personnage
7 Abbé Prévost, Manon Lescaut, p. 50.
8 Ibid.
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Mais les larmes d’amitié, de tendresse, de compassion d’un Tiberge, si elles sont un des signes de sa vertu, n’entraînent pas pour autant la validité de la réciproque : il ne suffit pas de pleurer pour être sage.
Des Grieux quant à lui possède la sensibilité d’un jeune homme de qualité. Le lecteur comprend ses larmes car il les juge senties : c’est la condition même du pathétique du roman. Ces pleurs s’inscrivent dans un certain contexte historique et social où la facilité des larmes est avérée et dans lequel la sensibilité participe de la bonne éducation, d’une certaine condition sociale. La sensibilité de des Grieux n’est pas fondamentalement remise en cause du point de vue de la morale. Les larmes