Nadjma
Ernstpeter Ruhe
L'histoire est traitée dans les romans algériens des trois dernières décennies de façons très diverses. On peut distinguer deux groupes principaux de textes: 1. Tout d'abord, le groupe numériquement le plus fort des romans qui abordent le sujet de la guerre de libération. Ils sont écrits par des auteurs comme Mouloud Mammeri, Aicha Lemsine, Abdelhamid Benhedouga, Assia Djebar, Chabane Ouahioune, pour ne citer que les plus connus. Sur le plan formel, les romans sur la guerre de libération ont en commun les caractéristiques suivantes: leur écriture est ordonnée; les événements du récit sont racontés en respectant la chronologie; la structure des textes est simple et claire, linéaire. Cette organisation du récit reflète la base stable qu'est la mémoire collective sur laquelle ces textes reposent. Les auteurs savent que leur public connaît les faits à fond, que même beaucoup de lecteurs ont été impliqués dans les événements, d'une manière très directe et souvent douloureuse. Ils savent surtout aussi que lé jugement porté sur ces événements fait l'objet d'un consensus national. 2. A côté de ce nombre important de textes, il en existe d'autres dont les particularités sautent aux yeux dès la première lecture. Je pense ici particulièrement aux textes de Kateb Yacine, de Rachid Boudjedra et de Rachid Mimouni, qui me serviront de paradigme dans la suite de mon exposé. Ce sont des romans qui sont difficiles à comprendre et dont le sens ne devient accessible qu'après une ou même plusieurs relectures. Contrairement au groupe précédent, ils sont caractérisés par une écriture désordonnée; les événements du récit - en admettant que l'on puisse encore parler de récit - ne respectent pas la chronologie; la structure des textes est non-linéaire et, à cause de la combinaison de plusieurs perspectives narratives qui s'entrecroisent sans arrêt, cette structure est souvent d'une grande complexité. La critique littéraire aime voir