Peau noire masques blancs
« Que le combat anticolonialiste ne s’inscrive pas d’emblée dans une perspective nationaliste, c’est bien ce que l’histoire nous apprend. Pendant longtemps le colonisé dirige ses efforts vers la suppression de certaines iniquités : travail forcé, sanctions corporelles, inégalité des salaires, limitations des droits politiques, etc. Ce combat pour la démocratie contre l’oppression de l’homme va progressivement sortir de la confusion néo-libérale universaliste pour déboucher parfois laborieusement sur la revendication nationale. Or l’impréparation des élites, l’absence d’une liaison organique entre elles et les masses, leur paresse et, disons-le, la lâcheté aux moments décisifs de la lutte vont être à l’origine de mésaventures tragiques.
La conscience nationale au lieu d’être la cristallisation coordonnée des aspirations les plus intimes de l’ensemble du peuple, au lieu d’être le produit immédiat le plus palpable de la mobilisation populaire, ne sera en tout état de cause qu’une forme sans contenu, fragile, grossière. Les failles qu’on y découvre expliquent amplement la facilité avec laquelle, dans les jeunes pays indépendants, on passe de l’Etat à l’ethnie, d l’ethnie à la tribu. Ce sont ces lézardes qui rendent compte des retours en arrière, si pénibles et si préjudiciable à l’essor national, à l’unité nationale. Nous verrons que ces faiblesses et les dangers graves qu’elles renferment sont le résultat historique de l’incapacité de la bourgeoisie nationale des pays sous-développés à rationaliser le praxis populaire, c’est-à-dire à en extraire la raison.
La faiblesse classique quasi congénitale de la conscience nationale des pays sous-développés n’est pas seulement la conséquence de la mutilation de l’homme colonisé par le régime colonial. Elle est aussi le résultat de la paresse de la bourgeoisie nationale, de son indigence, de la formation profondément cosmopolite de son esprit.
La bourgeoisie nationale qui prend