La capacité de penser est ce qui différencie, outre certains caractères physiques, l'homme des animaux. Dans ce texte dont on ne conserve généralement que la première phrase, Alain propose une définition de la pensée, de l’acte même de penser. Penser c’est dire non, c’est refuser d’accepter immédiatement une telle acceptation étant signe de soumission ou de paresse ou de sommeil de la raison. Penser, c’est donc d’abord être éveillé, être en activité et faire preuve de vigilance. Pourtant, suffit-il de refuser, de s’opposer pour penser ? Par ailleurs, faut-il dire non à tout ? Au vrai ? Au juste ? Au bien ?…Alain va donc s’attacher ici à préciser sa pensée. La pensée ne réside pas dans un refus systématique qui pourrait être le signe d’un esprit borné. La pensée doit d’abord dire non à elle-même. Penser c’est donc déjà combattre contre ses propres opinions, contre ses propres croyances, contre ses propres désirs. La tentation est grande de céder aux délices de l’opinion et à sa facilité. Le prisonnier qu’on détache commence d’ailleurs par souffrir. Il doit lutter contre lui-même. La célèbre formule de Socrate dit que s’il ne sait qu’une chose c’est qu’il ne sait rien. Il s’oppose alors à ceux qui ont accumulé tout un ensemble de connaissances et qui se croient savants parce qu’ils peuvent les répéter. Socrate montre ainsi que le véritable savoir est un rapport à soi. D’où encore cette autre formule célèbre : « Connais-toi toi-même ». Penser c’est donc dépasser les apparences et cela demande un effort. Alain dit, en parlant de la dernière façon de penser, que nous venons d’évoquer, que « penser, c'est dire non ». En quoi le jugement peut-il être conçu comme étant un refus ? En quoi, toutefois, ne saurait-il s’y réduire ? Et, enfin, en quoi la pensée est-elle, somme toute, un processus relevant à la fois du refus et de l'adhésion ? Pour bien voir en quoi le fait de penser peut consister en un refus, il est capital d'analyser les étapes de la formation d'un