Peut-on se mentir a soi-même
Peut-on se mentir à soi-même ? |2
| | On dit souvent qu’une personne ment comme elle respire : l’homme utilise le mensonge, le pouvoir de la parole sur ses congénères. Scapin par exemple, menteur célèbre de la pièce de Molière, se servait du mensonge pour utiliser les autres à ses propres fins. Mais s’il est aisé de tromper autrui, est-il possible de se mentir à soi-même ? Peut-on user des mêmes stratagèmes trompeurs vis-à-vis de soi que vis-à-vis des autres ? Est-on dupe de son propre mensonge ? En effet, est-il possible de faire admettre à sa propre conscience un fait que l’on sait faux ? Ne savons-nous pas, au fond, que la vérité est ailleurs ? L’amoureux ne voit-il réellement que les qualités de la personne aimée, n’est-il pas conscient de ses défauts ? N’omet-il pas volontairement des imperfections, ne se ment-il pas à lui-même ?
Pour déterminer s’il est possible de se mentir à soi-même, il s’agit tout d’abord de définir précisément ce qu’on entend par mensonge, & quelles sont ses conditions. Mentir, c’est avant tout dire le faux, ce qui implique que l’on altère une vérité. Le concept de mensonge est donc lié à celui de vérité : sans vérité, il n’y a pas de mensonge possible. Cependant, cette définition du mensonge est incomplète : en effet, peut-on parler de mensonge quand le menteur est sincèrement convaincu que ce qu’il avance correspond à la vérité ? Se ment-on à soi-même lorsqu’on se trompe ? Pendant des siècles, des scientifiques ont élaboré des théories qui se sont avérées fausses, mais peut-on dire pour autant qu’ils se soient mentis & qu’ils aient menti aux autres ? Jusqu’à une période récente, les hommes étaient persuadés que, comme les apparences semblaient le prouver, le Soleil tournait autour de la Terre, ce qui, bien que faux, ne peut pas être considéré comme un mensonge. On parlera plutôt dans ce cas d’erreur. Contrairement au mensonge, l’erreur implique que la personne concernée ne connaisse pas la vérité, &