Philo
Supposons donc qu'au commencement, l'Âme, qu'on appelle une Table rase, soit vide de tous caractères, sans aucune idée, quelle qu'elle soit. Comment vient-elle à recevoir des idées ? Par quel moyen en acquiert-elle cette prodigieuse quantité que l'imagination de l'Homme, toujours agissante et sans bornes, lui présente avec une variété presque infinie? D'où puise-t-elle tous ces matériaux qui font comme le fond de tous ses raisonnements et de toutes ses connaissances? À cela je réponds en un mot, de l'Expérience : c'est le fondement de toutes nos connaissances, et c'est de là qu'elles tirent leur première origine. Les observationsque nous faisons sur les objets extérieurs et sensibles, ou sur les opérations intérieures de notre âme, que nous apercevons et sur lesquelles nous réfléchissons nous-mêmes, fournissent à notre esprit les matériaux de toutes ses pensées. Ce sont là les deux sources d'où découlent toutes les idées que nous avons, ou que nous pouvons avoir naturellement [...]. Mais comme j'appelle l'autre source de nos idées Sensation, je nommerai celle-ci Réflexion, parce que l'âme ne reçoit par son moyen que les idées qu'elle acquiert en réfléchissant sur ses propres opérations. C'est pourquoi je vous prie de remarquer, que dans la suite de ce discours,j'entends par Réflexion la connaissance que l'âme prend de ses différentes opérations, par où l'entendement vient à s'en former des idées. Ce sont-là, à mon avis, les seuls Principes d'où toutes nos idées tirent leur origine ; à savoir les choses extérieures et matérielles qui sont les objets de la Sensation, et les Opérations de notre Esprit, qui sont les objets de la