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PATRIZIA OPPICI
Fabuleux destin celui de « Charbovary », le garçon ridicule , le mari trompé, le lourdaud qui pèse de toute sa bêtise sur l’existence d’Emma ? Ce titre, je le sais, a de quoi surprendre. Et pourtant c’est bien ce personnage « vide » dont le roman de formation à peine esquissé se laisse remplir tout entier par l’histoire d’une femme qui a pris son nom, qui a inspiré, à la fin du XXe siècle, une série de réécritures du roman de Flaubert. Le premier en date est Charles Bovary, médecin de campagne.
Portrait d’un homme simple de Jean Améry, publié en allemand en 1978, et traduit en français en
1991 ; la même année où Laura Grimaldi publie en italien Monsieur Bovary (qui sera traduit en français en 1995) ; en 2006 le titre est à nouveau repris par Antoine Billot. Ce glissement de la femme si célèbre au mari si obscur frappe et séduit les écrivains. En effet il a été utilisé également pour une pièce de théâtre, Monsieur Bovary ou mourir au théâtre., publiée en 2001 par Robert
Lalonde.1 Dans ce dernier cas toutefois il ne s’agit pas d’une nouvelle version du roman mais d’une reconstruction globale de l’univers de Flaubert où l’existence du romancier fusionne en quelque sorte avec les vies fictives qu’il a créés.
On pourrait s’interroger sur les raisons de cet intérêt soudain porté à l’anti-héros du roman, d’autant plus que les trois textes ont des points en commun : avec des nuances différentes, ils expriment tous la même volonté de « venger » Charles, de le soustraire à la cruauté que Flaubert manifeste à son égard. Ce curieux désir de réhabilitation d’un personnage fictif donne aux trois œuvres une dimension métanarrative qui s’exprime non seulement dans la réécriture de l’intrigue et des caractères, mais aussi dans des architectures textuelles complexes qui combinent la narration avec un discours critique explicite. 2
Je montrerai donc d’abord la structure des romans, et ensuite le discours