Poste compétence
LES ENJEUX DE LA LOGIQUE COMPÉTENCE
PAR JEAN-PIERRE DURAND
Directeur du Centre Pierre Naville - Université d’Évry - Val d’Essonne
La notion de compétences fait débat : habits neufs du taylorisme le plus opportuniste ou symbole d’un nouvel humanisme industriel ? Soumission de la subjectivité du salarié au risque d’une qualité devenue totalitaire, ou investissement maîtrisé de ses talents au regard d’objectifs négociés et consentis ? Manipulation à laquelle ne peut répondre que la simulation ou libération d’un potentiel d'initiative naguère bloqué, nié, contredit ? Enfin, pour tout dire, dernier avatar en date du capitalisme le plus classique ou évolution sociétale majeure ? Dans les deux articles qui suivent, deux sensibilités s’affrontent, incarnées par des auteurs que leur rapport à l’histoire du monde du travail sépare. Les mots sont parfois vifs, mais leur sincérité et leur souci de comprendre, face à l’ambivalence d’un concept non encore apprivoisé, les rapproche. Un bel et bon débat, donc !
L’ex-CNPF – devenu depuis lors MEDEF – a tenu en octobre 1998, à Deauville, des journées internationales sur l’« objectif compétences ». Au printemps 1999, Philippe Zarifian publie un ouvrage au titre similaire (1). Le terme de compétence(s) tend à se substituer à celui de qualification, dans les entreprises ainsi que dans les institutions de formation. Que peut signifier ce glissement ? Caractérise-t-il une transformation des contenus et de l’exercice du travail ? Ou bien correspond-il à une modification douce de la nature du contrat de travail ? Ce sont autant de questions qui traversent la lecture de cet ouvrage et sa critique. La thèse générale du livre est celle du passage de la cotation du poste dans l’entreprise à celle de l’évaluation de l’individu qui occupe le poste ou la fonction. D’une certaine façon, il s’agit de la satisfaction d’une vieille revendication syndicale puisque les organisations syndicales demandaient la reconnaissance des qualités