Pourquoi refuse-t-on la conscience à l'animal ?
Robert Musil, au début de l'Homme sans qualités, se scandalise d'un fait pourtant anecdotique: un journaliste a qualifié, à l'issue d'une victoire sur un champ de courses, un cheval de génie. Il tient pour assuré qu'une bête, étant dépourvue de conscience, ne saurait être géniale. Sa position semble pouvoir être confortée par des arguments: les animaux ne donnent aucun signe qu'ils ont conscience d'eux-mêmes. Par exemple, ils sont incapables aussi bien de parler comme nous le faisons que de créer des objets techniques comme les nôtres. Cependant, comment se fait-il qu'un jugement aussi anodin que celui du journaliste puisse susciter l'indignation? Ce qui est suspect dans ce débat, c'est la passion qu'il suscite. Pourquoi nous intéressons-nous autant aux animaux? On peut supposer que certains intérêts sont en jeu, mais aussi que, dans ce débat, il est question de nous-mêmes et de notre conception de l'homme.
I. Les raisons de refuser la conscience à l'animal
Il est vrai que l'on ne peut éprouver la conscience que de l'intérieur, comme Descartes l'a démontré. Il est impossible d'explorer la subjectivité des autres êtres. L'animal est-il doué de conscience? Il est impossible d'en avoir une preuve directe. Il faudrait le lui demander.
Mais, précisément, il leur manque la parole. On ne peut avoir de preuve directe de l'absence de conscience de l'animal, mais on peut le vérifier indirectement. La conscience est purement intérieure, mais elle se manifeste par des signes qui, eux, sont visibles. La conscience rend possibles d'autres facultés qui, elles, peuvent être observées. Descartes donne deux exemples: l'usage de la parole et l'invention technique.
1. La parole
Pourquoi refuse-t-on la conscience à l'animal? Qui est ce "on"? C'est notamment Descartes. Pour lui, la parole est l'expression de la pensée ou de la conscience, qui sont identiques; si les animaux ne parlent pas, c'est tout simplement parce qu'ils ne pensent pas.
Enfin il n'y a