Poème de S.Mallarmé dans La dernière Mode "Conseil et Vers"
NOUVELLE ET VERS – CONSEIL
Pour vous, enfant, le monde est une nouveauté ;
De leur nid vos vertus, colombes inquiètes,
Regardent en tremblant les printanières fêtes
Et cherchent le secret d’y vivre en sûreté.
Le voici : n’aimez l’or que pour sa pureté ;
N’aimez que la candeur dans vos blanches toilettes ;
Et, si vous vous posez au front des violettes,
Aimez la modestie en leur simple beauté.
Qu’ainsi, votre parures à vos yeux soit l’emblème
De toutes les vertus qui font la grâce même,
Ce geste aisé du cœur dont le luxe est jaloux ;
Et qu’au retour d’un bal innocemment profane,
Quand vous dépouillerez l’ornement qui se fane,
Rien ne tombe avec lui de ce qui plut en vous.
SULLY PRUDHOMME
Commentaire :
Ce poème écrit en Alexandrins est une ode à la beauté naturelle et intérieure mais surtout une ode à la représentation de soi dans les vêtements que l’on porte. Il y a deux fois le mot
« vertu » dans ce poème, on peut imaginer que Mallarmé s’adresse à la jeunesse de France et plus particulièrement aux jeunes filles qui lisent sa revue de mode.
« Vos vertus colombes inquiètes, regardent en tremblant les printanières fêtes, et cherchent le secret d’y vivre en sûreté » : le mot « colombes » suivi de l’adjectif « inquiètes » insiste sur l’innocence et l’incompréhension du public auquel il s’adresse. Le mot « secret » crée une complicité entre Mallarmé (Sully Prudhomme) et ses lectrices, il est prêt à leur donner son secret, il y a donc deux camps : la jeunesse qui ne sait pas et Mallarmé qui sait. Il se place en tant qu’ami complice de la lectrice, il lui parle comme une mère parlerait à sa fille pour lui prodiguer ses secrets de beauté, de mode. Mallarmé va leur expliquer comment selon lui, il faut agir pour s’adapter à une société pleine de tendances, de modes, de jeux de rôles et surtout d’apparences dont il faut parfois se méfier. Il donne ses conseils en utilisant des