Préambule sur le rire
Il peut être contagieux, jaune, fou, conduire aux larmes ou soigner. Pourtant, on dit aussi qu'il fait mourir. Le rire est une drôle de chose. Des générations et des générations de linguistes ont tenté d'en donner une définition concise satisfaisante. Avec plus ou moins de bonheur. « Exprimer la gaieté par l'expression du visage, par certains mouvements de la bouche et des muscles faciaux, accompagnés d'expirations saccadées plus ou moins bruyantes », nous dit Le Petit Robert. Difficile de parler plus tristement du rire. Aujourd’hui il n’a probablement même jamais été autant à la mode. Les humoristes, les comiques quels qu’ils soient figurent désormais parmi les personnalités préférées des français. Il y a un engouement généralisé pour le rire. Il signale l’entente, détend les tensions. Il divertit. Il est en partage. La rire a quelque chose de démocratique au fond. Mais est-ce si peu sérieux de rire ? N’y a-t-il rien de sensé, de signifiant, aucune intention dans le rire?
D’ailleurs notre société, celle-là même qui aspire tant à rire et tant à célébrer ses bouffons considère aussi qu’il y a des frontières dangereuses avec lesquelles flirtent le plaisir de la dérision. Il n’est pas rare qu’une polémique éclate à propos d’un texte qui dépasse les bornes, ridiculise une personne, une fonction ou un handicap. Peut-on rire de tout, question fatale qui devient rapidement politique au regard du spectre de la censure et de la sacralité de la liberté d’expression. Les morales, les religions, les susceptibilités politiques, les drames privés se dressent aussi contre la déferlante du rire. Car on ne peut nier que le rire aussi ridiculise, se moque, dégrade et caricature. Il peut donc blesser. Rire pour quoi faire ? Expression de la sincérité spontanée, ou bien masque aux misères du monde, révélateur ou dénonciateur des vices ? On le voit cette question revient ainsi à se poser celle des fonctions et des significations du