Psychose infantile
D’un travail clinique en institution avec un enfant psychotique*
Dans cet article, je présente l’élaboration d’un travail clinique réalisé au Courtil avec un enfant psychotique. Ce n’est pas une cure analytique mais le résultat d’une pratique en institution soutenue par des repères psychanalytiques lacaniens. Je rends compte de trois années de travail dans la vie quotidienne, les activités d’«ateliers» et les loisirs de l’enfant. Damien a neuf ans quand il arrive au Courtil, il en a douze lors de la rédaction de cet écrit. Dans une première partie, je précise ce qui fonde pour cet enfant un diagnostic de psychose; dans une deuxième, je développe le travail réalisé avec lui dans l’institution. Un cas de psychose La forclusion du Nom-du-Père ne se voit pas à l’oeil nu, elle se déduit de phénomènes qui en sont l’effet. Ainsi peut-on repérer chez Damien une série de conséquences de l’échec de la métaphore paternelle. Le traitement du signifiant La position de Damien par rapport au signifiant se manifeste dans une série de troubles du langage. Lorsqu’il parle, il bégaye, achoppe sur les mots et construit difficilement des phrases. Les mots sont découpés en syllabes, répétées et enchaînées en désordre. Par exemple « moi, j’aime maman », devient « Ma ma j’aime moi mama moi man j’aime... »; la phrase ne s’arrête que parce que Damien est à bout de souffle. Certains mots,
* Cet article est la reécriture d’un travail présenté à la Section clinique du Département de psychanalyse de l’Université de Paris VIII, à Paris en 1988, en vue de l’obtention de l’« attestation d’études cliniques »
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VERONIQUE MARIAGE
incompréhensibles, sont des rassemblements de plusieurs mots, par exemple «hippopo-coupé-tame». Ils ne font pas sens pour Damien, qui est d’ailleurs incapable de les répéter. Son rapport à la signification est particulier. Il confond des mots tels que mort - mord, tête - tète, lui - Louis, etc. Il opère deux types de renvoi d’un signifiant