Punition
A un enfant qui souffre d’une indigestion pour avoir trop mangé, on dira: "te voilà bien puni". C’est ce que Kant appelle "peine naturelle". La conséquence désagréable s’ensuit nécessairement de l’acte, en vertu des lois naturelles. Ainsi suis-je puni de ma gourmandise par la crise de foie. De même un menteur n’est jamais cru, même lorsqu’il dit la vérité. Il subit donc inévitablement la conséquence de son propre comportement. Mais la mauvaise conduite, et même le crime, ne reçoivent pas forcément leur sanction naturelle (comme la petite vérole qui défigure la marquise de Merteuil à la fin des Liaisons dangereuses). D’où la nécessité de punir ceux qui pourraient bien achever tranquillement dans leur lit une vie de crimes. La punition incombe alors à une autorité, investie d’un pouvoir spécial. Mais si la punition devient ainsi un acte, les intentions qui président à cet acte sont souvent multiples, et ne se laissent pas facilement percer, même de celui qui administre la punition. Savons-nous ce que nous faisons lorsque nous punissons ? Correction (on veut laisser un souvenir cuisant), sanction (on la veut exemplaire), châtiment (on fera en sorte qu’il soit juste); entre tous ces termes, il n’y a pas seulement une différence de degré, mais aussi de nature. La multiplicité des fonctions attribuées à la punition exige en elle-même une étude critique des motifs habituellement avancés pour légitimer l’exorbitant (selon M. Foucault) droit de punir. Le problème principal vient de ce que la punition ajoute le mal au mal. Or, si l’on en croit le Socrate du Criton (49 D) "Il ne faut faire du mal à aucun homme, quoi qu’il nous ait fait". Pourquoi rendre le mal pour le mal ? Il paraît évident que le criminel doit être châtié; évident, c’est-à-dire que personne ne trouve rien à redire sur le principe, même si