quand vous serez bien vieille Ronsard
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle.
Lors, vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre et fantôme sans os :
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos :
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.
Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1587
Quand vous serez bien vielle, Ronsard, 1578
Introduction :
Ronsard est la figure centrale de la Pléiade, groupe de poètes humanistes du XVIème siècle dont il est à l'origine de la formation.
C'est un poète de cour qui connait rapidement le succès et la reconnaissance.
Dans le champ de son exploration poétique, il s'essaie à diverses formes de poèmes (odes, sonnets, épopées, élégies, hymnes). Parmi la richesse de son œuvre, une large part est consacrée à la lecture amoureuse, centrée sur des figures féminines dont Cassandre, Marie et Hélène sont les plus célèbres.
Le sonnet constitue la forme privilégiée de ses évocations amoureuses, ainsi que le veut la tradition pétrarquiste.
Le poème ici proposé prend place dans le recueil Les sonnets pour Hélène, 1578, recueil constitué de 130 sonnets autour de Hélène de Surgères, fille d'honneur de Catherine de Médicis.
Dans ce poème, Ronsard constitue un discours amoureux particulier où il invite la jeune fille à se montrer moins distante et à céder au plaisir de l'amour.
Ainsi, nous verrons comment, au sein d'une invitation au discours amoureux, s'inscrit une réflexion sur le temps et le pouvoir poétique.
Le poème se présente comme un étonnant discours amoureux, qui se construit autour