Reflexions sur l'esclavage, condorcet
Ou il n’y point de morale, ou il faut convenir de ce principe. Que l’opinion ne flétrisse point ce genre de crime, que la loi du pays le tolère ; ni l’opinion, ni la loi ne peuvent changer la nature des actions, & cette opinion serait celle de tous les hommes, & le genre humain assemblé aurait, d’une voix unanime, porté cette loi, que le crime resteroit toujours un crime.
Dans la suite nous comparerons souvent avec le vol l’action de réduire à l’esclavage. Ces deux crimes, quoique le premier soit beaucoup moins grave, ont de grands rapports entr’eux ; & comme l’un a toujours été le crime du plus fort, et le vol celui du plus faible, nous trouvons toutes les questions sur le vol résolues d’avance & suivant de bons principes, par tous les moralistes, tandis que l’autre crime n’a pas même de nom dans leurs livres. Il faut excepter cependant le vol à main armée qu’on appelle conquête, & quelques autres espèces de vols où c’est également le plus fort qui dépouille le plus faible : les moralistes sont aussi muets sur ces crimes que sur celui de réduire des hommes à l’esclavage.
[modifier]II. Raisons dont on se sert pour excuser l’esclavage des Negres. On dit, pour excuser l’esclavage des Negres achetés en Afrique, que ces malheureux sont, ou des criminels condamnés au dernier supplice, ou des prisonniers de guerre qui seroient mis à mort, s’ils n’étoient pas achetés par les