Rousseau et les fables de la fontaine
Je dis qu'un enfant n'entend point les fables qu'on lui fait apprendre, parce que quelque effort qu'on fasse pour les rendre simples, l'instruction qu'on en veut tirer force d'y faire entrer des idées qu'il ne peut saisir, et que le tour même de la poésie, en les lui rendant plus faciles à retenir, les lui rend plus difficiles à concevoir, en sorte qu'on achète l'agrément aux dépens de la clarté. Sans citer cette multitude de fables qui n'ont rien d'intelligible ni d'utile pour les enfants, et qu'on leur fait indiscrètement apprendre avec les autres, parce qu'elles s'y trouvent mêlées, bornons-nous à celles que l'auteur semble avoir faites spécialement pour eux.
Je ne connais dans tout le recueil de la Fontaine que cinq ou six fables où brille éminemment la naïveté puérile ; de ces cinq ou six je prends pour exemple la première de toutes, parce que c'est celle dont la morale est le plus de tout âge, celle que les enfants saisissent le mieux, celle qu'ils apprennent avec le plus de plaisir, enfin celle que pour cela même l'auteur a mise par préférence à la tête de son livre. En lui supposant réellement l'objet d'être entendue des enfants, de leur plaire et de les instruire, cette fable est assurément son chef-d'oeuvre : qu'on me permette donc de la suivre et de l'examiner en peu de mots.
Le corbeau et le renard
Fable
Maître corbeau, sur un arbre perché,
Maître ! que signifie ce mot en lui-même ? que signifie-t-il au-devant d'un nom propre ? quel sens a-t-il dans cette occasion ?
Qu'est-ce qu'un corbeau ?
Qu'est-ce qu'un arbre perché ? L'on ne dit pas sur un arbre perché, l'on dit perché sur