Agrégation interne de Lettres Modernes 2006/2007

Saint-John Perse
Dissertation

Par le mythe, l’homme primitif cherchait à s’approprier les forces qui régissent le monde, à les rendre intelligibles, à se les rendre favorables. Car qui dit mythe(s), dit rites : rite divinatoire, rite propitiatoire ou rite initiatique. Par le biais de l’histoire racontée, l’homme explique la nature dont il est tributaire par une sur-nature qui n’est pas la sienne et qu’il dit sacrée, avide de recevoir les sacrifices qui concilieront sa bénédiction. Au-delà des particularités des sociétés et des civilisations, le mythe est le substrat commun à toute humanité, l’élément originel et fondamental à convoquer pour qui se veut une vocation universelle.
L’homme du XXème siècle, fort de ses certitudes scientifiques, semble pourtant bien éloigné de la pensée magique qui a présidé à la naissance des mythes. Tout au plus les convoque-t-il encore pour illustrer les mécanismes à l’œuvre dans un psychisme malade. Cet homme moderne oublieux de ses racines, Roland de Réneville s’en fait le porte-parole quand il déclare, en 1950 : « Saint-John Perse réinfuse à nos mythes, enfouis mais toujours présents dans nos profondeurs, un sang neuf en les situant dans un courant de pensée identique à celui qui les fit naître, et qui apparaît encore vivant chez certains hommes dont l’existence est contemporaine de la nôtre, mais que nous ne comprenons plus. » Le « nous » collectif est ainsi opposé à la singularité de « certains hommes », dont le poète Saint-John Perse est donné comme figure emblématique : celui capable de redonner vie (« réinfuser (…) un sang neuf ») aux mythes qui appartiennent à l’inconscient collectif (« enfouis (…) dans nos profondeurs », selon une terminologie qui évoque celle de la psychanalyse). Cette singularité du poète est mise en évidence par la métaphore biologique de la circulation sanguine, portée par le néologisme « ré-infuser » qui donne un sens actif, presque