Science poil
Des légitimités démocratiques
Qu’est-ce qu’être légitime en démocratie ?
La démocratie, si on l’entend par « le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple », n’a jamais existé. Bernard Manin, dans Les principes du gouvernement représentatif (1996), propose de supprimer l’appellation « démocratie » pour décrire nos régimes actuels. Dans aucun moment dans l’histoire, ni les grecs ni nos systèmes politiques actuels n’ont concédé le pouvoir au peuple. A Athènes, le peuple est réuni en ekklesia et c’est lui qui décide des lois ; mais ce que nous raconte Manin, c’est que cette ekklesia a un pouvoir limité : les lois sont préparées en amont par la boulé, conseil composé de membres tirés au sort. L’ekklesia délibère sur les textes de la boulé, mais le texte est toujours adopté tel quel. Il y a des instances intermédiaires qui exercent réellement le pouvoir.
Dans nos régimes, on délègue à nos représentants l’exercice du pouvoir qui nous revient.
Manin dit qu’il y a quand même une différence : dans aucun des cas le peuple n’exerce le pouvoir directement. Pourtant Athènes peut être considérée comme une démocratie. Manin nous explique qu’Athènes est une démocratie pour une raison essentielle : les gens qui exercent le pouvoir sont des gens tirés au sort. Manin nous explique que le tirage au sort est un procédé démocratique. A l’inverse, l’élection (selon Manin et Aristote) est une procédure aristocratique.
Qu’est-ce qui rend démocratique le tirage au sort ? Le tirage au sort réalise une forme d’égalité tout à fait particulière ; il permet d’obtenir une égale probabilité d’accès de tous (de tous ceux qui se portent candidats) aux charges politiques.
Si on retient cette définition, nos systèmes contemporains ne sont pas des démocraties, au sens qu’il n’y a pas d’égale probabilité d’accès aux charges politiques, puisque nos systèmes actuels reposent sur l’élection. Cette procédure d’élection est une procédure aristocratique. Elle va désigner les