Sexualité et mariage dans la france de l'ancien régime
La sexualité dans les traités sur le mariage en France, XVIe-XVIIe siècles
Maurice DAUMAS
Au XVIIIe siècle, saint Alphonse de Liguori écrit des paysans italiens qu’ils
« ignorent la malice » de l’adultère1. Mais dans les siècles précédents, dix-sept théologiens se sont interrogés, dans de gros traités en latin, sur la légitimité de la masturbation post-coïtale de la femme2. L’étude de la sexualité conjugale est donc confrontée à des réalités extrêmement différentes : des pratiques, des attitudes, des discours que le croisement des sources peut placer en porte-à-faux ou en contradiction, surtout si l’on cherche à reconstituer les comportements à partir des discours prescriptifs. Faut-il autoriser le devoir conjugal lorsque la femme est enceinte, et jusqu’à quel mois ? est une question abordée dans tous les ouvrages traitant de près ou de loin des péchés que l’on peut commettre en mariage. La réponse est positive, à condition que la grossesse ne soit pas trop avancée, car le coït risquerait de provoquer une « blessure », c’est-à-dire un avortement. La correspondance échangée entre un pieux gentilhomme dauphinois et sa femme au XVIe siècle montre que ni les époux ni leur entourage ne se posaient cette question : ils « ignorent la malice » qu’il peut y avoir à s’accoupler lorsque la femme est enceinte3. Un tel comportement est d’autant plus naturel qu’il est impensable, dans la culture du temps, qu’un homme marié demeure continent plus de quelques jours – et il ne peut l’être que pour des raisons de force majeure (voyage, maladie).
Le sujet de cette étude n’est pas la doctrine et moins encore la pratique de la sexualité conjugale, mais sa représentation sociale, telle qu’on peut en brosser le tableau à partir des traités sur le mariage. Les traités de médecine, les manuels de confesseur (du pénitentiel au traité des cas de conscience) sont des
REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
51-1, janvier-mars 2004.
1. Jean