Société de consommation
La Raison technicienne croit savoir comment organiser au mieux les choses et les gens, assignant à chacun une place, un rôle, des produits à consommer.
Mais l'homme ordinaire se soustrait en silence à cette conformation. Il invente le quotidien grâce aux arts de faire, ruses subtiles, tactiques de résistance par lesquelles il détourne les objets et les codes, se réapproprie l'espace et l'usage à sa façon. Tours et traverses, manières de faire des coups, astuces de chasseurs, mobilités, mises en récit et trouvailles de mots, mille pratiques inventives prouvent, à qui sait les voir, que la foule sans qualité n'est pas obéissante et passive, mais pratique l'écart dans l'usage des produits imposés, dans une liberté buissonnière par laquelle chacun tâche de vivre au mieux l'ordre social et la violence des choses. Michel de Certeau, le premier, restitua, voilà dix ans, les ruses anonymes des arts de faire, cet art de vivre la société de consommation.
Vite devenues classiques, ses analyses pionnières ont inspiré historiens, philosophes et sociologues.
Michel de Certeau, Gallimard, 1980
Fiche de lecture
Préambule : L’invention du quotidien est le résultat d’une recherche dirigée par Michel de Certeau. Elle est publiée en deux volumes : le Vol.1 (Arts de faire) a été rédigé par Michel de Certeau ; le Vol.2 (Habiter, cuisiner) par Luce Giard et Pierre Mayol . L’ensemble de la recherche est résumé dans l’Introduction générale (pp.XXXV-LIII) publiée dans le Vol.1. Cette recherche est née d’une interrogation sur les opérations des usagers, supposés voués à la passivité et à la discipline. Elle concerne les modes d’opération ou schémas d’action des usagers qui sont occultés par la Raison technicienne dominante en Occident, usagers dont on cache, sous le nom pudique de consommateurs, le statut de dominés (ce qui ne veut pas dire passifs ou dociles). "Le quotidien s’invente avec mille manières de braconner" (p.XXXVI) qui