Sociologie
QU’EST-CE QUE LE RELIGIEUX ?
ERVING GOFFMAN : DE LA CONTRAINTE AU JEU DES APPARENCES par Sylvain Pasquier
« Le domaine du social c’est le domaine de la modalité. Les gestes même, le nœud de cravate, le col et le port du cou qui s’en suit; la démarche et la part du corps dont les exigences nécessitent le soulier en même temps que celui-ci les comporte – pour ne parler que des choses qui nous sont familières –, tout a une forme à la fois commune à de grands nombres d’hommes et choisie par eux parmi d’autres formes possibles. » Marcel MAUSS, 1929.
Erving Goffman est souvent présenté par le biais d’un jeu d’oppositions pointant l’ambiguïté d’une lecture du social qui y découvre tantôt un surdéterminisme terrifiant, tantôt un jeu dans les marges duquel les acteurs construiraient leur liberté. Ce type de présentation, souvent faite à des fins didactiques, le renvoie d’un côté à un héritage durkheimien et de l’autre à celui de l’interactionnisme symbolique, à la contrainte sociale ou à la liberté de jeu des acteurs. Ces lectures faites avec les lunettes des oppositions classiques en sociologie cherchent à situer Goffman par rapport à une thématique de l’ordre social compris dans sa généralité – celle d’un ensemble de structures, qui s’imposent aux acteurs ou que ceux-ci remettent en jeu dans les interactions – alors qu’en se focalisant sur l’interaction de face à face et en revendiquant la légitimité de l’étude d’un domaine propre à l’interaction, il a laissé à la marge de ses préoccupations et de son œuvre ce qui pour beaucoup représente le seul véritable objet de la sociologie. Ordre et jeu, contrainte et liberté. Il n’est bien question que de cela dans l’ensemble de ses écrits et les mises à plat analytiques auxquelles ceux-ci donnent lieu expriment un attachement viscéral tout autant à l’un qu’à l’autre. Que l’accent semble mis sur le déterminisme ou à l’inverse sur l’engagement des acteurs et leur initiative, l’un et l’autre sont à comprendre ensemble