Sujet de philosophie
Ernest-Marie Mbonda
Maître de Conférences
Université catholique d’Afrique centrale
Faculté de philosophie
Yaoundé-Cameroun
Pendant longtemps, les travaux de « philosophie africaine » sont restés centrés sur les mêmes interrogations : existe-t-il une philosophie africaine ? Et si elle existe, se trouve-t-elle dans les sagesses ancestrales ou dans les textes des auteurs contemporains ? La question même de l’existence d’une philosophie africaine n’est-elle pas oiseuse ? Les plaidoyers pour la reconnaissance d’une philosophie africaine propre n’empêchent-ils pas de se préoccuper des vraies questions qui se posent en Afrique et aux africains ? Toutes ces interrogations avaient inspiré une littérature relativement vaste, dans laquelle se sont dessinées quelques positions majeures : celle de ceux qui soutenaient que les Africains avaient aussi des systèmes de pensée philosophiques ; celle ensuite de ceux qui ont reproché à cette approche de se réduire à une pure et simple restitution des traditions anciennes opérée sans aucune rigueur d’analyse et de réflexion critique ; celle enfin de ceux qui voulaient que la philosophie africaine s’attelât résolument à la tâche de la libération d’une Afrique en proie à la domination, au sous-développement, sans devoir s’enliser dans des discussions jugées stériles sur son existence[1].
Ce que je veux montrer ici sous le titre « les paradoxes de la philosophie africaine » c’est la manière dont la question de l’altérité et de l’identité a déterminé le philosopher en Afrique pendant plusieurs décennies, et a contribué tout à la fois à paralyser et à promouvoir, d’une certaine façon, la réflexion philosophique africaine.
1. Premier paradoxe : reconnaître une philosophie africaine pour perpétuer la sujétion des Africains. C’est le Père Placide Tempels, missionnaire belge au Congo, qui déclenche véritablement le mouvement de revendication d’une philosophie proprement africaine