Texte de l'huître de ponge
L'huître, de la grosseur d'un galet moyen, est d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C'est un monde opiniâtrement clos. Pourtant on peut l'ouvrir : il faut alors la tenir au creux d'un torchon, se servir d'un couteau ébréché et peu franc, s'y reprendre à plusieurs fois. Les doigts curieux s'y coupent, s'y cassent les ongles : c'est un travail grossier. Les coups qu'on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d'une sorte de halos.
A l'intérieur l'on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à proprement parler) de nacre, les cieux d'en dessus s'affaissent sur les cieux d'en dessous, pour ne plus former qu'une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l'odeur et à la vue, frangé d'une dentelle noirâtre sur les bords.
Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d'où l'on trouve aussitôt à s'orner.
F. Ponge, Le Parti pris des choses, 1942
14 juillet Tout un peuple accourut écrire cette journée sur l’album de l’histoire, sur le ciel de Paris.
D’abord c’est une pique, puis un drapeau tendu par le vent de l’assaut (d’aucuns y voient une baïonnette), puis – parmi d’autres piques, deux fléaux, un râteau – sur les rayures verticales du pantalon des sans-culottes un bonnet en signe de joie lancé en l’air.
Tout un peuple au matin le soleil dans le dos. Et quelque chose en l’air à cela qui préside, quelque chose de neuf, d’un peu vain, de candide : c’est l’odeur du bois blanc du faubourg Saint-Antoine, – et ce J a d’ailleurs la forme du rabot.
Le tout penche en avant dans l’écriture anglaise, mais à le prononcer ça commence comme Justice et finit comme ça y est, et ce ne sont pas au bout de leurs piques les têtes renfrognées de Launay et de Flesselles1qui, à cette futaie de hautes lettres, à ce frémissant bois de peupliers à jamais remplaçant dans la mémoire des hommes les tours massives d’une prison, ôteront leur aspect joyeux. Francis Ponge,