TOUS LES MATINS DU MONDE DE P. QUIGNARD ET A. CORNEAU
« Moi je pense que les deux artistes sont d’égale importance : contradictoires mais complémentaires. » En quoi cette affirmation d’Alain Corneau éclaire-t-elle votre lecture du roman et du film ?
I. Deux personnages d’égale importance
1) Deux artistes fondés sur l’entremêlement entre l’Histoire et la fiction
Sainte Colombe et Marin Marais sont d’abord deux personnages historiques :
Ainsi, pour établir le portrait de Marin Marais, Pascal Quignard disposait de peu de liberté. On sait en effet, d’après les éléments biographiques d’Evrard Titon du Tillet, que le musicien est né le 31 mai 1656. Issu d’une famille de cordonnier, il devient enfant de chœur à Saint-Germain-l’Auxerrois. A seize ans, il quitte cette fonction et tente de se perfectionner à la viole auprès de Sainte Colombe. Il ne reste que six mois son élève, avant d’entrer dans l’orchestre de l’Académie royale de musique. A vingt ans, il joue à la cour. Il se marie et aura dix-neuf enfants. En 1679, il est nommé « Ordinaire de la Musique de la Chambre du Roi ». Il compose divers opéras et mène une carrière de musicien pendant quarante ans, publiant, de 1686 à 1725, cinq livres de pièces pour viole. Vers 1704, il devient chef d’orchestre à l’Opéra. Il meurt en 1728.
Concernant le personnage de Sainte Colombe, les éléments biographiques, moins nombreux il est vrai, dont dispose Pascal Quignard en 1991 se réduisent à la notice de Titon du Tillet parue dans Le Parnasse français en 1732. Celle-ci indique que Sainte Colombe, maître de Marin Marais, préféra s’effacer devant ce dernier : « Sainte Colombe fut le maître de Marais ; mais s’étant aperçu au bout de six mois que son élève pouvait le surpasser, il lui dit qu’il n’avait plus rien à lui montrer. » Du Tillet mentionne également la cabane dans le mûrier, ainsi que les concerts donnés par Sainte Colombe avec « deux de ses filles ». Ce sont les seuls éléments dont dispose Quignard.