Traduction de la lettre à ménécée d'epicure
Quand nous parlons du plaisir comme d'un but essentiel, nous ne parlons pas des plaisirs des débauchés, ni des jouissances sensuelles, comme le prétendent quelques ignorants qui ne sont pas d’accord avec nous ou bien qui nous comprennent mal, mais nous parlons de l’absence de souffrance physique et de l’absence de trouble moral. Car ce ne sont ni les beuveries et les banquets continuels, ni la jouissance que l’on tire de la fréquentation des jeunes garçons et des femmes, ni la joie que donnent les poissons et les autres mets dont on charge les tables somptueuses qui procurent une vie heureuse, mais une raison sobre, et cherchant sans cesse les causes de tout choix et de toute aversion, et rejetant les opinions susceptibles d’apporter à l’âme le plus grand trouble.
Au principe de tout cela, comme plus grand bien : la prudence. Or donc, la prudence, d'où sont issues toutes les autres vertus, se révèle en définitive une philosophie d’une plus grande valeur : elle nous enseigne qu'on ne saurait vivre agréablement sans prudence, sans honnêteté et sans justice, ni avec ces trois vertus vivre sans plaisir. Les vertus, en effet, naissent d’une vie heureuse, laquelle à son tour est inséparable des vertus.
Est-ce qu'il y a quelqu’un que tu puisses mettre au-dessus du sage ? Le sage a sur les dieux des opinions pieuses. Il ne craint la mort à aucun moment, il estime qu’elle est la fin normale de la nature, que le "summum" des biens est facile à atteindre et à posséder. Il sait que les maux ont une durée et une gravité limitées. Il sait ce qu’il faut penser de la fatalité, dont on fait une maîtresse despotique. Il sait que les événements viennent les uns du hasard, les autres de nous, car la fatalité n'a de compte à rendre à personne et le hasard est inconstant ; mais que ce qui vient par notre initiative n’est soumis à aucune tyrannie, et est sujet au blâme et à l’éloge. Il vaudrait mieux en effet suivre les récits mythologiques sur les dieux