Ulysse ou les défis de l'intelligence
1. Ulysse est un homme et il en connaît toutes les souffrances, jusqu’à la suprême humiliation d’être obligé de mendier dans sa propre maison. Mais il assume cette condition en toute lucidité, puisqu’il a renoncé volontairement à l’immortalité, que lui a offerte la nymphe Calypso, pour choisir de retrouver son épouse humaine Pénélope. Sa condition dépend du sort, bon ou misérable, que chaque jour les dieux lui préparent. Comme tous les hommes, Ulysse apprend à connaître à travers la souffrance et l’opacité des choses.
2. Ulysse est l’homme « aux mille tours ». Selon Hésiode, Ulysse est un lointain descendant d’Hermès, le dieu du « leurre », mais aussi le dieu du voyage, du commerce, de la mémoire, de la recherche, de l’interprétation, de la critique, de la traduction ; le dieu de l’hermétisme. Sans doute le dieu le plus ambigu de la mythologie, parce qu’il est proche des hommes précisément, parce qu’il a « trop aimé les hommes ». Ulysse hérite de cette ambiguïté : la mètis ou la ruse qui le caractérise inclut à la fois la tromperie, le mensonge, et l’habileté de l’artisan. À la fois chef d’œuvre d’artisanat et traquenard géant, le cheval de Troie est son œuvre (Odyssée, chant VIII ; Énéide, chant II).
3. Ulysse est un voyageur et un errant. Qu’est-ce qu’un voyageur ? On a pu dire que le véritable nomade voyage avec sa maison, ou encore que le plus beau voyage est celui du retour chez soi : « Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage,/ Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,/ Et puis est retourné, plein d'usage et raison,/ Vivre entre ses parents le reste de son âge ! » (J. du Bellay, Regrets). Mais le voyageur qui revient chez lui