Universalisme/ relativisme
14859 mots
60 pages
Notre réflexion s'achève ainsi non sur une certitude, mais sur une difficulté. Il n'est pas aisé en effet d'éviter un double écueil, dans notre rapport aux autres civilisations : celui de l'ethnocentrisme, qui en vient rapidement à penser la civilisation au singulier, et celui du relativisme, qui, lui, réussit à prendre en compte les différences culturelles, mais s'avère incapable de les référer à une norme universelle. Or, le sens de la relativité des cultures et de leur égale valeur ne doit pas conduire à un relativisme intégral, ni à l'abandon de valeurs universelles, que sont aujourd'hui la démocratie politique, les libertés démocratiques, les droits de l'homme. Les civilisations, de fait, n'échappent pas à l'histoire universelle, à une histoire toujours plus mondiale. Même celles qui croient trouver momentanément refuge dans la tradition (culturelle ou religieuse) n'y pourront longtemps échapper, ni non plus éluder indéfiniment le dialogue fécond de la tradition et de la modernité. « Voilà le paradoxe : comment se moderniser, et retourner aux sources ? Comment réveiller une vieille culture endormie et entrer dans la civilisation de l'universel ? » demandait Paul Ricoeur avant même la fin de la décolonisation. Ces questions se posent aujourd'hui avec la même acuité. C'est même le grand défi du début du troisième millénaire. l’Occident, qui a colonisé le monde durant plus de trois siècles, peut-il légitimement imposer ses conceptions universalistes à la terre entière? Il existe d’incontestables arguments en faveur de la thèse qui propose d’infléchir la portée des droits de l’homme en fonction de la situation géographique ou de l’appartenance religieuse (droits de l’homme africain, asiatique ou musulman, par exemple). Le principal est l’écart entre l’éthique des droits de l’homme et le spectacle de la violation des droits dans pratiquement tous les pays du monde, «entre, comme le notait lucidement Norberto Bobbio, un pays et un autre, entre une race et