Voir ou ne pas voir, telle est la question dans fin de partie
Lors des premières représentations de Fin de Partie de Samuel Beckett, en 1957, un critique avait résumé la pièce de cette façon: « Voir ou ne pas voir, telle est la question » La problématique de la vision semble en effet être latente dans la pièce. Comment, à travers les didascalies comme les dialogues, Beckett parvient-il à la transcrire? Quelle est en vérité l'importance du caché, du recouvert, de l'invisible dans l'oeuvre de Beckett? Sous quelle forme se montre le monde lorsqu'il apparaît? Y-a-t-il un temps dans ou en dehors de la pièce où on le voit sans en souffrir fondamentalement?
Dès le début de la pièce, à travers le décor de la scène, la thématique de l'invisible est prégnante. Les fenêtres sont haut-perchées, les rideaux fermés, un tableau retourné est accroché au mur. Cette dernière perspective ratée montre un anéantissement de l'Art (on le retrouvera avec la référence à Manet qui sera développée ensuite). Quant aux personnages présents sur la scène, ils sont recouverts de draps. Clov mène une série de processus destinés à faire voir les éléments scéniques: tire les rideaux, découvre d'abord les poubelles de Nell et Nagg puis Hamm de leurs draps. Ce dernier a en outre le visage caché par un mouchoir, qu'il ôte, symbolisant l'ouverture du rideau. Le temps précédant cette ouverture aura montré une préparation du lieu scénique; tous les composants en sont maintenant visibles au spectateur -pas forcément dans la même mesure cependant, pour témoin la blancheur des teints de Nagg et Nell, ectoplasmes, opposée à la rougeur de ceux de Hamm et Clov . Mais cette sorte de cécité se reporte sur les personnages; on découvre Hamm aveugle, Clov en passe de le devenir, tout comme Nell et Nagg « NAGG- Tu me vois? NELL- Mal. Et toi? NAGG- Quoi? NELL- Tu me vois? NAGG- Mal. NELL- Tant mieux, tant mieux » p.28 On voit là que cette difficulté à se voir les uns les autres ne semble pas perturber