A une mendiante rousse
Ce texte étant un poème de jeunesse, écrit à une époque où Baudelaire était en train d’acquérir une culture classique par la lecture d’auteurs des siècles passés, on pourra se demander s’il s’agit d’un poème moderne, d’autant que l’auteur s’appuie explicitement sur des modèles littéraires de la Renaissance et du XVIIe siècle.
I – Un pastiche plein d’archaïsmes : le jeu avec la tradition poétique
A – Les références à la Renaissance
Référence historique : les Valois dans la strophe 12 : allusion à la famille royale, symbole de gloire (cf. dédicace des Antiquités de Rome de Du Bellay au roi Henri II par ex.), de puissance politique et militaire, mais aussi de raffinement artistique (goût pour les arts : François Ier fait travailler des artistes italiens en France) et amoureux… (la strophe citée y fait clairement allusion, avec les « baisers », la rime « lits » / « lis »… cf. importance de la poésie amoureuse à la Renaissance, sur le modèle du Canzoniere de Pétrarque).
La « poète chétif » (v. 5) peut faire écho à un auteur comme Du Bellay, qui emploie souvent cet adjectif pour parler de lui-même dans les Regrets. Or, Baudelaire lit justement les poètes de la Pléiade dans les années 1840 (sur les recommandations du critique Sainte-Beuve, qui remet « au goût du jour » les poètes de la Renaissance).
En outre, la langue elle-même est volontiers archaïque dans certains vers : des mots comme « valetaille » et « déduit » paraissent décalés (« déduit » est déjà archaïque à la Renaissance : c’est de l’ancien français). La forme verbale [aller + participe présent] (vers 45 et 49), qui indique une action « en train de se faire », est elle-même archaïque. On pourrait aussi parler de la rime « mutins » / « lutins », qui paraît désuète, décalée chez Baudelaire. Enfin, l’ancien verbe « gueuser » signifie « mendier ».
B – L’éloge paradoxal de la gueuse
Le locuteur fait l’éloge d’une mendiante puisqu’il parle de sa « beauté » tout en soulignant son dénuement et