E.munch le cri
MUNCH Edward - Le Cri
Huile sur toile, 91x73, 1893, Nasjonalgalleriet, Oslo.
Au milieu du support ( comme on pourrait dire au beau milieu de la figure), ce visage effaré/effarant. Est-ce celui d’un vieillard ou d’un malade maigre à faire peur ? Est-ce, encore, celui d’un avorton dont on sait que l’image se présente ici et là dans l’œuvre du peintre (par exemple in Madone, 1895) ? Difficile de se prononcer. Une chose apparaît à peu près claire, cependant : il s’agit d’un personnage en train de passer une frontière, marquée ici par la partie supérieure de la rambarde. Et les premières questions de reprendre vigueur. Est-il question d’un « réveil/naissance », autrement dit le personnage s’extrait-t-il du grand tout qui paraît le dominer, comme s’il s’agissait, pour lui, d’affronter le monde ? Ou faut-il voir, au contraire, chez ce personnage, dans les mains de qui « transite » sa propre tête, une façon de quitter l’insupportable réalité ? Quoi qu’il en soit, Munch capte cet instant d’angoisse où il faut « déloger ».
Roger Caillois parlait de « l’incertitude qui vient des rêves ». Cette réversibilité des choses se donne ici comme l’expression d’un rêve éveillé. Munch, qui ne fut jamais « dans son assiette », nous dit sa souffrance d’avoir à traverser la vie, avec la crainte constante de ne pouvoir échapper au délire. Protégé du gouffre par cette triple diagonale - qui creuse aussi fortement l’espace qu’un cri peut traverser le silence - ce personnage semble revenir de loin. Ou plutôt de si près - puisque nous côtoyons tous la folie - que la rambarde se fait garde-fou. Les repères, en effet, vacillent qui font de ce paysage nordique une sorte de maëlstrom où la terre, la mer, et les airs se confondent en un magma volcanique aux reflets changeants. Pis, l’homme ( s’il s’agit bien d’un individu de sexe masculin), ne semble plus pouvoir faire la différence entre lui-même en tant qu’entité et ce