« Le choix qu’offre l’argent […] n’est pas spécifiquement limité ; le vouloir humain, quant à lui n’ayant aucune limite, une multitude d’éventuelles utilisations concourent sans cesse pour chaque somme disponible » note le philosophe allemand Simmel dans Philosophie de l’Argent. Il est en effet aisé de voir en l’argent le moyen absolu de tout posséder à condition d’avoir la somme d’argent nécessaire. Il ne fait alors aucun doute que l’argent devient valeur d’échange, étalon, de toutes les choses que l’homme peut vouloir. « Dès que l’argent devient l’étalon de toutes les autres choses […] [il] dévalue en un certain sens tout ce dont il est l’équivalent » propose en substance toujours Simmel dans ses Quelques réflexions sur la prostitution dans le présent et dans l’avenir. Alors que l’argent devient une puissance dominante de nos sociétés, Simmel propose une analyse en profondeur des aspects de l’argent et de son incidence dans tous les rapports sociétaux. Et quoi de mieux pour mettre en perspective l’argent que de l’éclairer à la lumière de la prostitution. En effet c’est peut-être bien le marchandage du corps qui fait apparaître avec le plus de force la dévaluation d’une chose –qui n’est ici rien de moins que l’homme- dès que l’argent est étalon de la chose en question. Dévaluer la chose, c’est ici faire abstraction de toutes les qualités de la chose pour ne plus lui reconnaître que sa valeur monétaire. C’est en fait faire que, à l’instar de l’argent, toutes les choses soient dépourvues de qualités et de couleur. La position de Simmel semble de prime abord très pertinente, elle mérite pourtant d’être nuancée et réinterprétée.
PREMIERE PARTIE L’appel aux définitions est une première justification triviale de la pertinence du propos de Simmel. Aristote appelle qualité « ce en vertu de quoi on est dit être tel ». En quelque sorte les propriétés intrinsèques d’une chose. Ces propriétés semblent presque toujours échapper à une évaluation quantitative. Seules