L'arme à feu aux etats-unis
C'est la version chic de Règlement de comptes à OK Corral. Des universitaires patentés se canardent à bout portant, à travers des textes. L'objet du duel est l'interprétation du deuxième amendement: celui sur les armes à feu. Les historiens américains ont longtemps bétonné l'idée que tout débat s'arrêtait sur ce morceau de phrase: «le droit du peuple à détenir et à porter des armes ne doit pas être limité». En précisant: cela découle de la loi de 1689 sur les droits du citoyen anglais. «Foutaises», rétorque une nouvelle vague d'historiens. Qui insistent sur le début de la phrase précitée: «Une milice bien réglementée étant nécessaire à la sécurité d'un Etat libre, le droit du peuple à détenir...» En aucun cas, donc, l'amendement ne concernerait le citoyen: il vise les seules milices, placées sous une autorité fédérale. Par ailleurs, ces mêmes historiens éclatent de rire avec la loi de 1689: chez les Anglais, le port des armes à feu était tributaire du rang social et de la religion. C'est une polémique fumante quand on la rapporte aux jugements de certains tribunaux. Et aux statistiques: il y aurait 250 millions de pétoires - de tout calibre - qui circulent dans la nature aux Etats-Unis. Il s'en vend 5 millions par an. Et, selon le FBI, le quota annuel des meurtres tourne autour de 24 000, dont 70% par arme à feu. Pour tous les Américains, cela relève de la gun culture, cette culture presque génétique qui laisse entendre que les premiers immigrants vivaient déjà l'arme au pied. Au terme de dix années d'enquête, et au fil d'un document qui tonne, Arming America (Knopf), Michael A. Bellesiles lamine cette certitude: «La gun culture de l'Amérique est une tradition inventée.» Ce professeur d'histoire à Emory University en remet une louche: «Les historiens ont participé à ce mythe. Livre après livre, ils proclament que les Américains avaient tous des armes à feu