L'arrachement dans l'oeuvre d'henri michaux
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2 / L’arrachement dans l’œuvre d’Henri Michaux
Entre Angoisse et Sérénité se déploie l’œuvre d’Henri Michaux, reflet fidèle de son cheminement d’homme en quête de repos, de Paix dans les brisements, cheminement dont elle épouse les sinuosités. De Qui je fus (1927) à Par des traits (1984), nous le verrons tantôt pris dans les mailles de la première, tantôt se désenlaçant, « en fraude, des bras de l’arrière » (NR,82)1 pour aller « Vers la sérénité », laquelle sera, sinon définitivement conquise, du moins en voie de l’être dans les derniers textes, et singulièrement dans ces Poteaux d’angle de 1981 où la voix du poète s’ouvre à la sagesse, à une « antisagesse, qui est pourtant la sagesse »2. Dans un récent ouvrage, François Trotet, après avoir remarqué que l’oeuvre de Michaux est placée sous le signe d’une libération de l’être, ajoute qu’il progresse « par des expériences multiples, diverses, qui lui permettent de traquer son être et de le saisir, par détour, au plus profond de lui-même »3. Tentative de libération de l’être, assurément, double tentative d’ailleurs : arracher son être aux barreaux de la réalité, à « ce Monde fermé, centré [...] tournant sur lui-même sans jamais arriver à s’échapper » (NR,190), et briser l’étau, la coquille, sortir du « carcel de [son] corps » (PB,44), cette geôle ou, pour mieux dire, cette « carcasse de poulet » (E,46) dans l’étroitesse de laquelle il étouffe. Expériences multiples, oui ; diverses, non. Qu’il écrive, peigne, compose ou voyage, Michaux, par cette « aventure d’être en vie » (P,142), ne tend qu’à « déserter l’odieux compartimentage du monde » (PL,70) que son regard aigu démasque en toutes choses. Expériences multiples, mais une, variations sur un même thème pour tenter de s’insoumettre aux « puissances environnantes du monde hostile » (EE,9).
Les citations sont suivies du titre abrégé du livre et du numéro de la page. Quand plusieurs citations d'un