L'espace chez chénier
L’espace s’avère un topos littéraire assez usé depuis la nuit des temps. Il est ainsi visité de diverses manières. Au 17eme siècle, le classicisme se développe, au niveau du traitement de l’espace, contre les excès du roman précieux et ceux du baroque. Il réduit ainsi la présence de l’espace à une utilité fonctionnelle. L’auteur est désormais amené à justifier l’utilité de l’espace, ce qu’il apporte à l’économie générale de l’ouvrage, avant de l’y insérer. Au siècle suivant, l’Encyclopédie limite l’espace aux : « différentes productions de la nature » et fixe des limites aux descriptions (puisqu’on ne peut parler espace sans s’intéresser d’un même coup à la description) qui ne peuvent être utiles qu’autant quelles sont restreintes à de bornes et assujetties à de certaines lois. Cependant vers la seconde moitié du siècle une nouvelle mouvance de voir et de peindre l’espace est apparue. La pratique des auteurs a commencé à se modifier dans le sens d’une prise en compte de leur subjectivité de descripteurs, étant libérés progressivement des contraintes de l’imitation, revendiquée par les classiques au siècle passé, au profit d’une revendication de l’originalité. L’espace est passé, consécutivement, d’ornementale, à fonction purement esthétique, à acquérir une valeur d’expressif, à fonction didactique. Etant l’enfant de son siècle, Chénier passe par la même évolution au niveau du traitement qu’il réserve à l’espace dans son recueil poétique, et surtout dans ses Elégies et ses Dernières poésies que l’on prend pour base de notre analyse. Il soumet ce topos littéraire au double enjeu du siècle : celui d’attester la singularité de son point de vue, son esthétique, en inventant une forme originale de l’espace et s’éloignant des lieux communs et des procédés communs, et celui d’accorder à l’espace une fonction didactique. Or tout en parlant d’un espace à fonction, c’est-à-dire un espace significatif on pense