L'ignorant peut-il être libre ?
Cependant, il paraît nécessaire aussi de penser qu’être libre, c’est choisir, qu’on sache ou non, de sorte que l’ignorant en ce sens serait tout aussi libre que le savant.
Dès lors, on peut se demander si l’ignorant peut être libre et comment ou bien si la liberté présuppose toujours un savoir, et lequel.
L’ignorant paraît le jouet de forces, externes ou internes, qu’il ignore ; mais doué de libre arbitre, il peut agir sans connaissance ; tout au moins, il peut participer à la vie politique, avoir des opinions et être libre en ce sens.
L’ignorant ne connaît pas les choses qui lui sont extérieures. Il ne peut donc savoir si elles sont bonnes, mauvaises ou indifférentes pour lui, c’est-à-dire ni bonnes ni mauvaises, comme le nombre pair ou impair des cheveux ou avoir le doigt étendu ou fermé ou aussi bien bonnes que mauvaises selon l’usage qu’on en fait (selon les stoïciens, comme l’indique Diogène Laërce dans ses Vies, opinions et sentences des philosophes illustres, livre VII, 104-105). Ou plutôt, s’il est totalement ignorant, c’est-à-dire s’il ne sait même pas qu’il ignore, ce que Kant nomme dans sa Logique l’ignorance vulgaire, il croira savoir ce que sont les choses et son ignorance sera radicale. Aussi ne sait-il pas comment il peut les utiliser et en quoi elles sont des moyens pour ses propres fins. Si donc être libre, c’est agir en connaissance de cause afin de réaliser les fins qu’on se propose, dès lors l’ignorant par définition, ne peut être libre. Or, ne peut-il pas néanmoins choisir ?
L’ignorant ignore également ce qui, en lui, agit. Aussi dépend-il de ses désirs qu’il confond avec sa volonté ou avec la volonté des autres. Prend-il du plaisir à s’étourdir avec de l’alcool ! Il croit le