L'énérgie
Ce texte a une histoire. Une première rédaction en français, établie avec l’aide de Luce Giard et de Vincent Bardet, parut dans le Monde en trois livraisons (mai 1973). Développée et remaniée, elle fut l’objet d’une première édition. Sur cette trame, complétée et enrichie de travaux conduits au Cidoc de Cuernavaca, fut établie une version anglaise plus longue et plus détaillée qui engendra ensuite, par le même processus, une nouvelle version en allemand.
Cette seconde édition en français a été traduite de l’allemand, puis collationnée avec les précédentes versions française et anglaise. On espère ainsi ne pas avoir privilégié ces enrichissements successifs aux dépens de la précision ou de la cohérence de l’argumentation.
On a par ailleurs fait suivre ce texte d’une annexe rédigée par Jean-Pierre Dupuy. Elle donne les résultats d’un calcul dont le principe est exposé clans ce livre, et qui porte sur ce que l’on a appelé la « vitesse généralisée » de l’automobiliste français.
- L’éditeur
CHAPITRE I
La crise de l’énergie
Aujourd’hui il est devenu inévitable de parler d’une crise de l’énergie qui nous menace. Cet euphémisme cache une contradiction et consacre une illusion. Il masque la contradiction inhérente au fait de vouloir atteindre à la fois un état social fondé sur l’équité et un niveau toujours plus élevé de croissance industrielle. Il consacre l’illusion que la machine peut absolument remplacer l’homme. Pour élucider cette contradiction et démasquer cette illusion, il faut reconsidérer la réalité que dissimulent les lamentations sur la crise : en fait, l’utilisation de hauts quanta d’énergie a des effets aussi destructeurs pour la structure sociale que pour le milieu physique. Un tel emploi de l’énergie viole la société et détruit la nature.
Les avocats de la crise de l’énergie défendent et répandent une singulière image de l’homme. D’après leur conception, l’homme doit se soumettre à une continuelle